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c’était notre prince qui arrivait en pompeux appareil. Le roi et ses deux fils demeurèrent aussi étonnés les uns que les autres d’une si grande magnificence.

Après qu’il eut salué respectueusement son père et embrassé ses frères, il tira d’une boîte couverte de rubis la noix, qu’il cassa : il croyait y trouver la pièce de toile tant vantée ; mais il y avait au lieu une noisette. Il la cassa encore, et demeura surpris de voir un noyau de cerise. Chacun se regardait ; le roi riait tout doucement, et se moquait que son fils eût été assez crédule pour croire apporter dans une noix une pièce de toile. Mais pourquoi ne l’aurait-il pas cru, puisqu’il avait déjà donné un petit chien qui tenait dans un gland ? Il cassa donc le noyau de cerise, qui était rempli de son amande ; alors il s’éleva un grand bruit dans la chambre ; l’on n’entendait autre chose, sinon : « Le prince cadet est la dupe de l’aventure. » Il ne répondit rien aux mauvaises plaisanteries des courtisans ; il ouvre l’amande, et trouve un grain de blé, puis dans le grain de blé un grain de millet. Ho ! c’est la vérité qu’il commença à se défier, et marmotta entre ses dents : « Chatte blanche, Chatte blanche, tu t’es moquée de moi. » Il sentit dans ce moment la griffe d’un chat sur sa main, dont il fut si bien égratigné, qu’il en saignait. Il ne savait si cette griffade était faite pour lui donner du cœur, ou pour lui faire perdre courage ; cependant il ouvrit le grain de millet, et l’étonnement de tout le monde ne fut pas petit quand il en tira une pièce de toile de quatre cents aunes si merveilleuse, que tous les oiseaux, les animaux et les poissons y étaient peints avec les arbres, les fruits et les plantes de la terre, les rochers, les raretés et les coquillages de la mer, le soleil, la lune, les étoiles, les