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la première fois, car le tournebroche les avait un peu refroidis.

Notre prince reprit son cheval de bois, et, sans vouloir chercher d’autres secours que ceux qu’il pourrait espérer de l’amitié de Chatte blanche, il partit en toute diligence, et retourna au château où elle l’avait si bien reçu. Il en trouva toutes les portes ouvertes ; les fenêtres, les toits, les tours et les murs étaient bien éclairés de cent mille lampes, qui faisaient un effet merveilleux. Les mains qui l’avaient si bien servi s’avancèrent au-devant de lui, prirent la bride de l’excellent cheval de bois, qu’elles menèrent à l’écurie, pendant que le prince entra dans la chambré de Chatte blanche.

Elle était couchée dans une petite corbeille, sur un matelas de satin blanc très propre. Elle avait des cornettes négligées et paraissait abattue ; mais, quand elle aperçut le prince, elle fit mille sauts et autant de gambades, pour lui témoigner la joie qu’elle avait. « Quelque sujet que j’eusse, lui dit-elle, d’espérer ton retour, je t’avoue, fils de roi, que je n’osais m’en flatter, et je suis ordinairement si malheureuse dans les choses que je souhaite, que celle-ci me surprend. » Le prince, reconnaissant, lui fit mille caresses ; il lui conta le succès de son voyage, qu’elle savait peut-être mieux que lui, et que le roi voulait une pièce de toile qui pût passer par le trou d’une aiguille ; qu’à la vérité, il croyait la chose impossible, mais qu’il n’avait pas laissé de la tenter, se promettant tout de son amitié et de son secours. Chatte blanche, prenant un air plus sérieux, lui dit que c’était une affaire à laquelle il fallait penser ; que par bonheur elle avait dans son château des chattes qui filaient fort bien, qu’elle-