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peine les toucher. Le cadet portait le pauvre tournebroche, qui était si crotté, que personne ne voulait le souffrir. Lorsqu’ils furent dans le palais, chacun les environna pour leur souhaiter la bienvenue ; ils entrèrent dans l’appartement du roi. Il ne savait en faveur duquel décider : car les petits chiens qui lui étaient présentés par ses deux aînés étaient presque d’une égale beauté, et ils se disputaient déjà l’avantage de la succession, lorsque leur cadet les mit d’accord en tirant de sa poche le gland que Chatte blanche lui avait donné. Il l’ouvrit promptement, puis chacun vit un petit chien couché sur du coton. Il passait au milieu d’une bague sans y toucher. Le prince le mit par terre : aussitôt il commença de danser la sarabande avec des castagnettes aussi légèrement que la plus célèbre Espagnole. Il était de mille couleurs différentes, ses soies et ses oreilles traînaient par terre. Le roi demeura fort confus, car il était impossible de trouver rien à redire à la beauté du toutou.

Cependant il n’avait aucune envie de se défaire de sa couronne. Le plus petit fleuron lui en était plus cher que tous les chiens de l’univers. Il dit donc à ses enfants qu’il était très satisfait de leurs peines ; mais qu’ils avaient si bien réussi dans la première chose qu’il avait souhaitée d’eux, qu’il voulait encore éprouver leur habileté avant de tenir parole ; qu’ainsi il leur donnait un an à chercher, par mer et par terre, une pièce de toile si fine, qu’elle passât par le trou d’une aiguille à faire du point de Venise. Ils demeurèrent tous trois très affligés d’être en obligation de retourner à une nouvelle quête. Les deux princes, dont les chiens étaient moins beaux que celui de leur cadet, y consentirent. Chacun partit de son côté, sans se faire autant d’amitié que