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Le prince ne sortait point d’étonnement ; il ne savait que penser. La figurine noire s’approcha ; et, levant son voile, il aperçut la plus belle petite chatte blanche qui ait jamais été et qui sera jamais. Elle avait l’air fort jeune et fort triste ; elle se mit à faire un miaulis si doux et si charmant, qu’il allait droit au cœur ; elle dit au prince : « Fils de roi, sois le bienvenu, ma miaularde Majesté te voit avec plaisir. — Madame la chatte, dit le prince, vous êtes bien généreuse de me recevoir avec tant d’accueil ; mais vous ne paraissez pas une bestiole ordinaire ; le don que vous avez de la parole et le superbe château que vous possédez en sont des preuves assez évidentes. — Fils de roi, reprit Chatte blanche, je te prie, cesse de me faire des compliments ; je suis simple dans mes discours et dans mes manières, mais j’ai un bon cœur. Allons, continua-t-elle, que l’on serve, et que les musiciens se taisent, car le prince n’entend pas ce qu’ils disent. — Et disent-ils quelque chose, Madame ? reprit-il. — Sans doute, continua-t-elle ; nous avons ici des poètes qui ont infiniment d’esprit, et, si vous restez un peu parmi nous, vous aurez lieu d’en être convaincu. — Il ne faut que vous entendre pour le croire, dit galamment le prince ; mais aussi, Madame, je vous regarde comme une chatte fort rare. »

L’on apporta le souper ; les mains dont les corps étaient invisibles servaient. L’on mit d’abord sur la table deux bisques, l’une de pigeonneaux et l’autre de souris fort grasses. La vue de l’une empêcha le prince de manger de l’autre, se figurant que le même cuisinier les avait accommodées ; mais la petite chatte, qui devina par la mine qu’il faisait ce qu’il avait dans l’esprit, l’assura que sa cuisine était