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entrer chez la vieille bonne femme. Il s’y rendit fort peu après elles, et, poussé d’un mouvement de curiosité, dont biche blanche était cause, il lui demanda qui était cette jeune personne ; elle répliqua qu’elle ne la connaissait pas, qu’elle l’avait reçue chez elle avec sa biche, qu’elle la payait bien, et qu’elle vivait dans une grande solitude. Becafigue s’informa en quel lieu était sa chambre : elle lui dit que c’était si proche de la sienne, qu’elle n’était séparée que par une cloison.

Lorsque le prince fut retiré, son confident lui dit qu’il était le plus trompé des hommes, ou que cette fille avait demeuré avec la princesse Désirée, qu’il l’avait vue au palais quand il y était allé en ambassade. « Quel funeste souvenir me rappelez-vous, lui dit le prince, et parquet hasard serait-elle ici ? — C’est ce que j’ignore, seigneur, ajouta Becafigue ; mais j’ai envie de la voir encore, et, puisqu’une simple menuiserie nous sépare, j’y vais faire un trou. — Voilà une curiosité bien inutile, » dit le prince tristement, car les paroles de Becafigue avaient renouvelé toutes ses douleurs. En effet, il ouvrit sa fenêtre, qui regardait dans la forêt, et se mit à rêver.

Cependant Becafigue travaillait, et il eut bientôt fait un assez grand trou pour voir la charmante princesse vêtue d’une robe de brocart d’argent, mêlé de quelques fleurs incarnates brodées d’or avec des émeraudes ; ses cheveux tombaient par grosses boucles sur la plus belle gorge du monde ; son teint brillait des plus vives couleurs, et ses yeux ravissaient. Giroflée était à genoux devant elle, qui lui bandait le bras d’où le sang coulait avec abondance : elles paraissaient toutes deux assez embarrassées de cette blessure.