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lui dit-elle : j’avais résolu de commencer ma vengeance sur vous ; mais il y aurait de l’injustice, puisque vous n’êtes pas cause du mauvais procédé de votre prince. Allez lui dire qu’il me fait plaisir de rompre avec moi, parce que je n’aime pas les malhonnêtes gens. » L’ambassadeur, qui ne demandait pas mieux que son congé, l’eut à peine obtenu qu’il en profita.

Mais l’Éthiopienne était trop piquée contre le prince Guerrier pour lui pardonner ; elle monta dans un char d’ivoire, traîné par six autruches, qui faisaient dix lieues par heure. Elle se rendit au palais de la fée de la fontaine ; c’était sa marraine et sa meilleure amie : elle lui raconta son aventure, et la pria avec les dernières instances de servir son ressentiment. La fée fut sensible à la douleur de sa filleule ; elle regarda dans le livre qui dit tout, et elle connut aussitôt que le prince Guerrier ne quittait la princesse Noire que pour la princesse Désirée ; qu’il l’aimait éperdument, et qu’il était même malade de la seule impatience de la voir. Cette connaissance ralluma sa colère, qui était presque éteinte ; et, comme elle ne l’avait pas vue depuis le moment de sa naissance, il est à croire qu’elle aurait négligé de lui faire du mal, si la vindicative Noiron ne l’en avait pas conjurée. « Quoi ! s’écria-t-elle, cette malheureuse Désirée veut donc toujours me déplaire ? — Non, charmante princesse, non ma mignonne, je ne souffrirai pas qu’on te fasse un affront ; les cieux et tous les éléments s’intéressent dans cette affaire, retourne chez toi, et te repose sur ta chère marraine. » La princesse Noire la remercia ; elle lui fit des présents de fleurs et de fruits qu’elle reçut fort agréablement.

L’ambassadeur Becafigue s’avançait en toute diligence