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sur un canapé dans son cabinet à regarder le portrait de sa princesse : il lui écrivait à tous moments, et présentait les lettres à ce portrait, comme s’il eût été capable de les lire ; enfin ses forces diminuèrent peu à peu, il tomba dangereusement malade, et pour en deviner la cause il ne fallait ni médecins ni docteurs.

Le roi se désespérait, il aimait son fils plus tendrement que jamais père n’a aimé le sien. Il se trouvait sur le point de le perdre : quelle douleur pour un père ! Il ne voyait aucuns remèdes qui pussent guérir le prince ; il souhaitait Désirée, sans elle il fallait mourir. Il prit donc la résolution, dans une si grande extrémité, d’aller trouver le roi et la reine qui l’avaient promise, pour les conjurer d’avoir pitié de l’état où le prince était réduit, et de ne plus différer un mariage qui ne se ferait jamais, s’ils voulaient obstinément attendre que la princesse eut quinze ans.

Cette démarche était extraordinaire ; mais elle l’aurait été bien davantage, s’il eut laissé périr un fils si aimable et si cher. Cependant il se trouva une difficulté qui était insurmontable : c’est que son grand âge ne lui permettait que d’aller en litière, et cette voiture s’accordait mal avec l’impatience de son fils ; de sorte qu’il envoya en poste le fidèle Becafigue, et il écrivit les lettres du monde les plus touchantes pour engager le roi et la reine à ce qu’il souhaitait.

Pendant ce temps, Désirée n’avait guère moins de plaisir à voir le portrait du prince qu’il en avait à regarder le sien. Elle allait à tous moments dans le lieu où il était, et, quelque soin qu’elle prit de cacher ses sentiments, on ne laissait pas de les pénétrer : entre autres Giroflée et Longue-Épine, qui étaient ses filles d’honneur, s’aperçurent des petites