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sonnel, de sorte que, quand ils auraient cherché dans tout l’univers un mari pour leur fille, ils n’auraient su en trouver un plus digne d’elle. On prépara un palais pour loger Becafigue, et l’on donna tous les ordres nécessaires pour que la cour parut dans la dernière magnificence.

Le roi et la reine avaient résolu que l’ambassadeur verrait Désirée ; mais la fée Tulipe vint trouver la reine, et lui dit : « Gardez-vous bien, Madame, de mener Becafigue chez notre enfant (c’est ainsi qu’elle nommait la princesse), il ne faut pas qu’il la voie sitôt, et ne consentez point à l’envoyer chez le roi qui la demande, qu’elle n’ait passé quinze ans : car je suis assurée que, si elle part plus tôt, il lui arrivera quelque malheur. » La reine, embrassant la bonne tulipe, lui promit de suivre ses conseils, et sur-le-champ elles allèrent voir la princesse.

L’ambassadeur arriva : son équipage demeura vingt-trois heures à passer, car il avait six cent mille mulets, dont les clochettes et les fers étaient d’or, leurs couvertures de velours et de brocart en broderie de perles ; c’était un embarras sans pareil dans les rues, tout le monde était accouru pour le voir. Le roi et la reine allèrent au-devant de lui, tant ils étaient aises de sa venue. Il est inutile de parler de la harangue qu’il fit, et des cérémonies qui se passèrent de part et d’autre, on peut assez les imaginer ; mais, lorsqu’il demanda à saluer la princesse, il demeura bien surpris que cette grâce lui fût déniée. « Si nous vous refusons, lui dit le roi, seigneur Becafigue, une chose qui parait si juste, ce n’est point par un caprice qui nous soit particulier ; il faut vous raconter l’étrange aventure de notre fille, afin que vous y preniez part.