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demande. — Va, pauvre bête, répliqua Truitonne, tu n’en seras pas refusée ; » et, se tournant vers ses dames : « Voilà une sotte créature, dit-elle, de retirer si peu d’avantage de ses raretés. »

La nuit vint, Florine dit tout ce qu’elle put imaginer de plus tendre, et elle le dit aussi inutilement qu’elle avait déjà fait, parce que le roi ne manquait jamais de prendre son opium. Les valets de chambre disaient entre eux : « Sans doute cette paysanne est folle ; qu’est-ce qu’elle raisonne toute la nuit ? — Avec cela, disaient les autres, il ne laisse pas d’y avoir de l’esprit et de la passion dans ce qu’elle conte. » Elle attendait impatiemment le jour pour voir quel effet ses discours auraient produit. « Quoi ! ce barbare est devenu sourd à ma voix ? disait-elle. Il n’entend plus sa chère Florine ! Ah ! quelle faiblesse de l’aimer encore ! Que je mérite bien les marques de mépris qu’il me donne ! » Mais elle y pensait inutilement, elle ne pouvait se guérir de sa tendresse. Il n’y avait plus qu’un œuf dans son sac dont elle dût espérer du secours ; elle le cassa : il en sortit un pâté de six oiseaux qui étaient bardés, cuits, et fort bien apprêtés ; avec cela ils chantaient merveilleusement bien, disaient la bonne aventure, et savaient mieux la médecine qu’Esculape, La reine resta charmée d’une chose si admirable ; elle fut avec son pâté parlant dans l’antichambre de Truitonne.

Comme elle attendait qu’elle passât, un des valets de chambre du roi s’approcha d’elle et lui dit : « Ma Mie-Souillon, savez-vous bien que, si le roi ne prenait pas de l’opium pour dormir, vous l’étourdiriez assurément ? car vous jasez la nuit d’une manière surprenante. » Florine ne s’étonna plus de ce qu’il ne l’avait pas entendue ; elle fouilla dans