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des papiers pour perdre la princesse ; dans le temps qu’on n’y prenait pas garde, elle en cacha dans la cheminée ; mais par bonheur l’oiseau bleu était perché au-dessus, qui voyait mieux qu’un lynx et qui écoutait tout. Il s’écria : « Prends garde à toi, Florine, voilà ton ennemie qui veut te faire une trahison. » Cette voix si peu attendue épouvanta à tel point la reine, qu’elle n’osa faire ce qu’elle avait médité. « Vous voyez, Madame, dit la princesse, que les esprits qui volent en l’air me sont favorables. — Je crois, dit la reine outrée de colère, que les démons s’intéressent pour vous ; mais malgré eux votre père saura se faire justice. — Plût au ciel, s’écria Florine, n’avoir à craindre que la fureur de mon père ! Mais la vôtre, Madame, est plus terrible. »

La reine la quitta, troublée de tout ce qu’elle venait de voir et d’entendre ; elle tint conseil sur ce qu’elle devait faire contre la princesse : on lui dit que, si quelque fée ou quelque enchanteur la prenaient sous leur protection, le vrai secret pour les irriter serait de lui faire de nouvelles peines, et qu’il serait mieux d’essayer de découvrir son intrigue. La reine approuva cette pensée ; elle envoya coucher dans sa chambre une jeune fille qui contrefaisait l’innocente ; elle eut ordre de lui dire qu’on la mettait auprès d’elle pour la servir. Mais quelle apparence de donner dans un panneau si grossier ? La princesse la regarda comme son espionne. L’on n’en peut ressentir une douleur plus violente. « Quoi ! je ne parlerai plus à cet oiseau qui m’est si cher ! disait-elle. Il m’aidait à supporter mes malheurs, je soulageais les siens ; notre tendresse nous suffisait. Que va-t-il faire ? Que ferai-je moi-même ? » En pensant à toutes ces choses, elle versait des ruisseaux de larmes.