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roger. Elle était avec l’oiseau bleu à la fenêtre, parée de ses pierreries, coiffée de ses beaux cheveux, avec un soin qui n’est pas naturel aux personnes affligées ; sa chambre et son lit étaient jonchés de fleurs, et quelques pastilles d’Espagne qu’elle venait de brûler répandaient une odeur excellente. La reine écouta à la porte, elle crut entendre chanter un air à deux parties, car Florine avait une voix presque céleste. En voici les paroles, qui lui parurent tendres :

Que notre sort, est déplorable,
Et que nous souffrons de tourment
Pour nous aimer trop constamment !
Mais c’est en vain qu’on nous accable:
Malgré nos cruels ennemis,
Nos cœurs seront toujours unis.


Quelques soupirs finirent leur petit concert.

« Ah ! ma Truitonne, nous sommes trahies ! » s’écria la reine en ouvrant brusquement la porte et se jetant dans la chambre. Que devint Florine à cette vue ? Elle poussa promptement sa petite fenêtre pour donner le temps à l’oiseau royal de s’envoler. Elle était bien plus occupée de sa conservation que de la sienne propre ; mais il ne se sentit pas la force de s’éloigner; ses yeux perçants lui avaient découvert le péril où sa princesse était exposée. Il avait vu la reine et Truitonne:quelle affliction de n’être pas en état de défendre sa maîtresse ! Elles s’approchèrent d’elle comme des furies qui voulaient la dévorer. « L’on sait vos intrigues contre l’État, s’écria la reine; ne pensez pas que votre rang vous sauve des châtiments que vous méritez. — Et avec qui, Madame ? répliqua la princesse. N’êtes-vous pas ma geôlière