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pouvait être plus malpropre, et qu’elle poussait si loin l’avarice qu’elle aimait mieux être habillée comme une petite bergère que d’acheter de riches étoffes de l’argent que lui donnait le roi son père. À tout ce détail, Charmant souffrait et se sentait des mouvements de colère qu’il avait bien de la peine à modérer. « Non, disait-il en lui-même, il est impossible que le ciel ait mis une âme si mal faite dans le chef-d’œuvre de la nature : je conviens qu’elle n’était pas proprement mise quand je l’ai vue, mais la honte qu’elle en avait prouve assez qu’elle n’est point accoutumée à se voir ainsi. Quoi ! elle serait mauvaise avec cet air de modestie et de douceur qui enchante ? Ce n’est pas une chose qui me tombe sous le sens ; il m’est bien plus aisé de croire que c’est la reine qui la décrie ainsi : l’on n’est pas belle-mère pour rien, et la princesse Truitonne est une si laide bête, qu’il ne serait point extraordinaire qu’elle portât envie à la plus parfaite de toutes les créatures. »

Pendant qu’il raisonnait là-dessus, les courtisans qui l’environnaient devinaient bien à son air qu’ils ne lui avaient pas fait plaisir de parler mal de Florine ; il y en eut un plus adroit que les autres qui, changeant de ton et de langage pour connaître les sentiments du prince, se mit à dire des merveilles de la princesse. À ces mots, il se réveilla comme d’un profond sommeil, il entra dans la conversation, la joie se répandit sur son visage. Amour, amour, que l’on te cache difficilement ! Tu parais partout, sur les lèvres d’un amant, dans ses yeux, au son de sa voix ; lorsque l’on aime, le silence, la conversation, la joie ou la tristesse, tout parle de ce qu’on ressent.

La reine, impatiente de savoir si le roi Charmant était