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riage au roi son père, qui l’avait accordée sans l’en avertir ; car, dès ce temps-là, l’inclination des parties était la moindre chose que l’on considérât dans les mariages. Finette trembla à cette nouvelle : elle craignait, avec raison, que la haine que Riche-Cautèle avait pour elle n’eût passé dans le cœur d’un frère dont il était si chéri ; et elle appréhenda que ce jeune prince ne voulût l’épouser pour la sacrifier à son frère. Pleine de cette inquiétude, la princesse alla consulter la sage fée, qui l’estimait autant qu’elle avait méprisé Nonchalante et Babillarde.

La fée ne voulut rien révéler à Finette ; elle lui dit seulement : « Princesse, vous êtes sage et prudente ; vous n’avez pris jusqu’ici des mesures si justes, pour votre conduite, qu’en vous mettant toujours dans l’esprit que défiance est mère sûreté. Continuez de vous souvenir vivement de l’importance de cette maxime, et vous parviendrez à être heureuse sans le secours de mon art. » Finette, n’ayant pu tirer d’autres éclaircissements de la fée, s’en retourna au palais dans une extrême agitation.

Quelques jours après, cette princesse fut épousée par un ambassadeur, au nom du prince Bel-à-Voir ; et on l’emmena trouver son époux dans un équipage magnifique. On lui fit des entrées de même dans les deux premières villes frontières du roi Moult-Bénin ; et, dans la troisième, elle trouva le prince Bel-à-Voir, qui était venu au-devant d’elle par l’ordre de son père. Tout le monde était surpris de voir la tristesse de ce jeune prince aux approches d’un mariage qu’il avait témoigné souhaiter : le roi même lui en faisait la guerre, et l’avait envoyé, malgré lui, au-devant de la princesse.

Quand Bel-à-Voir la vit, il fut frappé de ses charmes, et