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vie laborieuse. Par un effet merveilleux de l’art de la féerie, toutes ces figures avaient du mouvement, étaient en action depuis le matin jusqu’au soir. On voyait de tous côtés des trophées et des devises à la gloire de ces femmes vertueuses ; et ce ne fut pas une légère mortification pour les deux sœurs de comparer le triomphe de ces héroïnes avec la situation méprisable où leur malheureuse imprudence les avait réduites.

Pour comble de chagrin, la fée leur dit avec gravité que, si elles s’étaient aussi bien occupées que celles dont elles voyaient les tableaux, elles ne seraient pas tombées dans les indignes égarements où elles s’étaient perdues ; mais que l’oisiveté était la mère de tous vices, et la source de tous leurs malheurs.

La fée ajouta que, pour les empêcher de retomber jamais dans des malheurs pareils, et pour leur faire réparer le temps qu’elles avaient perdu, elle allait les occuper d’une bonne manière. En effet, elle obligea les princesses de s’employer aux travaux les plus grossiers et les plus vils ; et, sans égard pour leur teint, elle les envoyait cueillir des pois dans ses jardins et en arracher les mauvaises herbes. Nonchalante ne put résister au désespoir qu’elle eut de mener une vie si peu conforme à ses inclinations : elle mourut de chagrin et de fatigue. Babillarde, qui trouva moyen, quelque temps après, de s’échapper, la nuit, du château de la fée, se cassa la tête contre un arbre, et mourut de cette blessure entre les mains des paysans.

Le bon naturel de Finette lui fit ressentir une douleur bien vive du destin de ses sœurs, et, au milieu de ses chagrins, elle apprit que le prince Bel-à-Voir l’avait fait demander en ma-