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faudrait que je fusse bien folle. » Cendrillon s’attendait bien à ce refus, et elle en fut bien aise, car elle aurait été grandement embarrassée, si sa sœur eût bien voulu lui prêter son habit.

Le lendemain, les deux sœurs furent au bal, et Cendrillon aussi, mais encore plus parée que la première fois. Le fils du roi fut toujours auprès d’elle, et ne cessa de lui conter des douceurs. La jeune demoiselle ne s’ennuyait point, et oublia ce que sa marraine lui avait recommandé, de sorte qu’elle entendit sonner le premier coup de minuit, lorsqu’elle ne croyait pas qu’il fût encore onze heures : elle se leva, et s’enfuit aussi légèrement qu’aurait fait une biche. Le prince la suivit, mais il ne put l’attraper. Elle laissa tomber une de ses pantoufles de verre[1], que le prince ramassa bien soigneusement.

Cendrillon arriva chez elle, bien essoufflée, sans carrosse, sans laquais, et avec ses méchants habits ; rien ne lui étant resté de toute sa magnificence, qu’une de ses petites pantoufles, la pareille de celle qu’elle avait laissée tomber.

On demanda aux gardes de la porte du palais s’ils n’avaient point vu sortir une princesse : ils dirent qu’ils n’avaient vu sortir personne qu’une jeune fille fort mal vêtue, et qui avait plus l’air d’une paysanne que d’une demoiselle.

Quand les deux sœurs revinrent du bal, Cendrillon leur demanda si elles s’étaient encore bien diverties, et si la belle

  1. Plusieurs éditeurs des Contes de Perrault, notamment celui de la grande édition illustrée par Gustave Doré, M. Hetzel, ont imprimé : pantoufle de vair, c’est-à-dire de fourrure ou de velours de ce gris bleu qu’on appelait vair. Nous avons suivi le texte de Perrault, tel qu’il est donné dans l’édition Ch. Giraud.