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PREMIER FUGITIF.

Et cette armée n’est-elle pas commandée par le cruel Féofar ?

MARFA.

Oui ! puisque nos rivières roulent des flots de sang !

PREMIER FUGITIF.

Eh bien ! que pouvons-nous faire ?

MARFA.

Résister encore, résister toujours, et mourir s’il le faut !

PREMIER FUGITIF.

Résister quand le Père ne vient pas à nous, et quand Dieu nous abandonne ?

MARFA.

Dieu est bien haut, et le Père est bien loin ! Il ne peut ni diminuer les distances ni hâter le pas de ses soldats ! Les troupes sont en marche, elles arriveront, mais jusque-là il faut résister !… Dût la vie d’un Tartare coûter la vie de dix Sibériens, que ces dix meurent en combattant ! Qu’on ne puisse pas dire que Kolyvan s’est rendue tant qu’il restait un de ses enfants pour la défendre !…

DEUXIÈME FUGITIF.

Ces barbares étaient vingt contre un !

PREMIER FUGITIF.

Et maintenant Kolyvan est en flammes !

MARFA.

Eh bien, si vous ne pouvez rentrer dans la ville, combattez au dehors ! Chaque heure gagnée peut donner aux troupes russes le temps de se rallier !… Barricadez ce poste ! Fortifiez-le ! Arrêtez ici cette tourbe ! Tenez encore à l’abri de ces murs !… Mes amis, écoutez la voix de la vieille Sibérienne, qui demande à mourir avec vous pour la défense de son pays !

SANGARRE, à part.

Non ! ce n’est pas ici que tu mourras, (Au bohémien qui l’accompagne.) Reste et observe. (Elle sort par le fond.)

MARFA.

Mes amis ! vous m’entendez, moi, la veuve de Pierre Strogoff que vous avez connu !… Ah ! s’il était encore là, il se mettrait à votre tête ! Il vous ramènerait au combat ! Écoutez-le, mes amis ! c’est lui qui vous parle par ma voix !