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GRANT.

Le ciel aurait-il donc touché ton âme ? A-t-il fait ce miracle… au moment où il semblait nous abandonner tout à fait ?

BURCK.

Je me repens !… Fais de moi ce que tu voudras !…

GRANT.

Tu renies ton passé et tu as secouru mon enfant !… Burck. J’ai peut-être été trop sévère, trop dur en te faisant châtier à mon bord !

BURCK.

J’étais coupable… mais maintenant, capitaine…

GRANT.

Maintenant, il n’y a plus ici ni chef ni matelot… Il n’y a que deux hommes égaux devant Dieu !… (Burck confus remonte en pleurant.) Burck, tu seras notre compagnon, notre ami !…

BURCK.

Non, capitaine ! votre esclave ?… (Il se met à genoux.)

GRANT.

Relève-toi ! Nous lutterons ensemble contre la misère… contre la mort !…

BURCK.

Nous lutterons, maître, contre ce froid terrible et cette nuit de quatre mois !…

GRANT.

Hélas ! le ciel avait fait luire à mes yeux un instant d’espérance !… Il y a quelques jours, une baleine était venue s’échouer sur la grève… Je l’ai attaquée, frappée de mon harpon !…

BURCK.

Oui, oui, je l’ai vue !… J’ai touché ce harpon où vous aviez gravé votre nom, et celui de notre île… Capitaine Grant… îlot Balker… tandis que pour l’achever vous étiez sans doute allé chercher une autre arme !

GRANT.

Et quand je suis revenu, la marée, poussée par un vent furieux, avait devancé l’heure !

BURCK.

Et la baleine, remise à flot, avait pu se sauver !…

(En ce moment, on entend an coup de canon au loin. Burck se redresse et soutient James qui n’a pas la force de marcher, Grant s’élance sur les rochers de la falaise.)