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XX.


Quel feu tousjours bruslant, & quel tison gommeux,
Quelle fournaise (ô Dieux) dedans les os cachee,
Brasilloit sang & sens de la pauvre attachee,
Ainsi qu'un Promethé sur le roc mal-heureux?

Elle avoit à son flanc l'esperon amoureux,
Elle avoit dans l'esprit l'ombre de son Sichee,
Toutefois cest enfant de sa darde fichee,
Luy feit mettre en oubly ce souvenir ombreux.

Pendant les mats souflez de la flotte suivie,
Perdit le sens ensemble, & l'honneur & la vie,
Demourant comme un tronc sans alleine, & sans cueur.

Voila, voila comment la chetive effrenee,
Prodigua pour changer Hiarbe avec Æenee,
Son bien, son sens, sa vie, & souilla son honneur.


XXI.


Je ne puis trouver paix, & n'ay ou faire guerre,
J'espere au desespoir, je brusle & suis en glace :
Sans pouvoir rien tenir tout le monde j'enbrasse,
Et tel m'a prisonnier qui ne m'ouvre ou reserre.

Je volle sur les Cieux & languis en la terre,
Je forcene d'amour & jamais ne m'en lasse.
Lon ne veut que je vive & moins que je trespasse,
Et tel ne me veut point qui mon las ne deferre.

Je voy sans yeux, j'oy sourd, & sans langue je crie :
Je cerche ma ruine & le secours je prie,
Je veux mal à moy-mesme & un chacun j'honore :

Je me pais de douleur, pleurant faut que je rie :
Esgallement me plaist & la mort et la vie,
Et vous seulle causez l'ennuy qui me devore.