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C.



Par ce fer outrageux ma vie finira,
Eusses-tu du berger la veuë gardienne,
Et feussay-je changé comme l'Inachienne,
Je feray que ma mort ma peine guarira,

Mon ombre en gemissant par les enfers dira,
Que ta fureur, ton fiel, & la cruauté tienne,
Surpasse en mon endroit la bande stigienne,
Et qu'apres ton trespas leur force perira.

Malgré tous les tourmens sous tes loix endurez,
Bien que l'Air, l'Eau, la Terre, & les Cieux conjurez,
Ayent fait leur effort pour mal-heurer ma vie.

Malgré eux, malgré toy, desdaignant ta rigueur,
De ce poignart icy je perceray mon cueur,
Et rendray de mon sang ma fureur assouvie.


CI.


Si je chante ces vers d'une voix brusque & forte,
Leur peignant sur le front une image de mort :
Je dy la cruauté de mon rigoureux sort,
Et l'ardant desespoir qui de moy me transporte,

Un chacun peut aymer, mais non de mesme sorte,
Tous les vents soufflent bien, mais non d'un mesme effort :
Les astres tournent tous, mais non d'un mesme accord :
Car la pluralité la discordance apporte.

Tous les humains sont faits de chair, d'os, & de sang,
Et l'amour peut de tous esguilloner le flanc,
Mais l'humeur differente en desguise la flame :

C'est pourquoy seul poussé d'un sort trop rigoureux,
Et seul qui meurt servant une parfaite dame,
Seul je chante ces vers comme moy furieux.