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XCVIII.


Vous grands Dieux qui domptez les plus braves fureurs,
Et qui Ciel, Terre, & Mer, faites tremblez de crainte :
Vous qui brisez les corps, qui rendez l'ame estrainte,
Et refoulez au pied les plus grands Empereurs.

Vous qui des creux enfers aigrissez les terreurs,
Vous qui donnez confort à la personne attainte,
Des plus frequens mal-heurs dont la vie est enceinte :
Arrestez par ma mort le cours de mes mal-heurs.

Je semble ore un rocher qui par les mers ireuses,
Sert de jouet aux vents sur les vagues douteuses,
N'esperant seulement fors en son desespoir.

Car helas ce cruel me mord, me lime, & ronge,
Je ne suis plus moymesme, ains un frivole songe,
Qui erre çà & là sans force ny pouvoir.


XCIX.



Tousjours de Jupiter le foudroyant tonnerre,
N'escorne estincelant les Rocs fermeplantez :
Tousjours des monts bruslans les gosiers esventez,
N'emplissent l'air de flame & de cendre la Terre :

Tousjours l'Austre mutin les grands sapins n'atterre,
Tousjours des flots hideux les Cieux ne sont hantez,
Et tousjours des mortels les cueurs espouventez,
Ne fremissent au choc qu'un orage desserre :

Tousjours l'alme Soleil loing de noz yeux ne luit,
Tousjours nous ne voyons les horreurs de la nuict,
Et tousjours les enfers ne s'agravent d'encombres :

Tout change quelquefois dessous le firmament,
Le calme suit l'orage & la clairté les ombres,
Mais mon mal-heureux sort dure eternellement.