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LXXXVIII.



Mon BROUAUT je ne puis d'une voix Petrarquee,
Feindre mille tourmens en ses vers rechantez :
Mais d'un stile assez lent aux lieux peu frequentez,
J'essaye à haleter ma peine remarquee.

Quand la nuict sommeilleuse est de feux perruquee,
Je sens un peu mes maux par le somme alentez :
Mais quand l'annonceiour a ses chants eventez,
Mon ame est plus avant dans l'angoisse embarquee.

Nul feu jamais-mourant dans l'entraille des monts,
Nul vent tousjours soufflant parmy les Artemons,
N'ard ou agite plus que ma peine invincible

On disigne, regarde, & compasse icy bas,
Toute chose à la ligne, à l’œil, et au compas,
Mais helas mon mal-heur est incomprehensible.


LXXXIX.



Mon Dieu que de beautez autour de ma Deesse,
Mon Dieu que de vertus luy viennent faire honneur,
Mon Dieu qu'il est heureux qui a tant de faveur,
D'estre fait serviteur d'une telle maistresse.

Mon Dieu quel desespoir & quel mal-heur m'oppresse,
Mon Dieu quel desplaisir, & quelle aspre rigueur,
De luy avoir esté si longs temps serviteur,
Sans avoir peu flechir un poinct de sa rudesse.

Mon Dieu, mon Dieu quel miel, mon Dieu quel passe-temps,
Mon Dieu, mon Dieu quel fiel de consommer le temps,
Sous un espoir flateur qui nostre âge devore :

Il ne faut donc reigler le but de ses desirs,
Sur le bien qu'on reçoit des externes plaisirs :
Car souvent on a moins ce que plus on adore.