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LXXVI.



T'esbahis-tu Jamin, si ma brusque fureur,
Pourmene sans repos ma pauvre ame dolente.
T’esbahis-tu dequoy sur la fosse beante,
Des filles de la nuict j’invoque la terreur.

T’esbahis-tu s’il semble à mes mots pleins d’horreur,
Qu’en forcenant mes sens j’imite la Baccante,
Qui court deçà delà, quand le Dieu la tourmente,
Esguillonnant son flanc d’une bacchique erreur.

T’en dois-tu estonner puis que tu sçais la flame,
Qui a peu rendre telle & ma voix & mon ame :
Et que mesmes tu sers de prestre à mesme autel.

Je ne m’en esmerveille, ains suis encor en doute,
Si la mesme chaleur qui me font goutte à goutte,
Ne me repoistrit point pour me faire immortel.


LXXVII.



Je ne sçay que je veux, je ne sçay que cercher,
Je ne sçay qu'il me faut, je ne sçay qui m'arreste,
Je ne sçay quel mal-heur me martelle la teste,
Je ne sçay qui m'a pris ce que j'avois plus cher.

Je ne sçay quelle plante au coupeau d'un rocher,
Je ne sçay que Chiron, je ne sçay quel Alceste,
Je ne sçay quel Achil, je ne sçay qui me reste
Pour du profond de moy la mort blesme arracher.

Je ne sçay à quel sainct, il faut que je m'adresse,
Pour me donner secours au tourment qui me presse :
Car helas je ne sçay comment ny en quel lieu

S'enracine mon mal, je ne sçay si c'est flame,
Ou glace, ou traict, ou neud, s'il me brusle ou l'entame,
Ne si je suis vaincu d'un mortel ou d'un Dieu.