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LX.



Combien combien de fois au soir sous la nuict brune
Errant comme un Taureau par amour furieux :
Ay-je maudit le sort, la nature, les Dieux,
Le Ciel, l'Air, l'Eau, la Terre, & Phœbus, & la Lune.

Combien combien de fois d'une suitte importune,
De soupirs embrasez ay-je esventé les Cieux :
Et d'un double torrent ruisselé de mes yeux
Ay-je fait un sejour à quelqu'autre Neptune.

Combien ay-je invoqué, par les ombreux destours,
Des bois remplis d'effroy, la mort à mon secours :
Et souhaitte me voir Prométhee ou Protee.

Mais helas maintenant (dont je suis en fureur,)
Je suis plus mal-heureux, cognoissant mon erreur,
Que ne furent jamais Protee et Promethee.


LXI.



Comme on voit un chevreuil qu'un grand Tigre terrace,
Qui deçà qui delà, ore haut ore bas,
Le vautrouille & l’estend dans son sanglant trespas,
Pavant des os du sang & de sa peau la place :

Puis en assouvissant sa carnagere audace
Tranche, poudroye, hume, et foulle de ses pas,
La chair, les os, le sang dont il fait son repas,
Laissant parmy les bois mainte sanglante trace.

Et comme on veit jadis les borgnes Ætneans,
Rebattre à coups suivis les boucliers dicteans,
Sous le fer rehaussé d'une force indomptable :

Amour me va plongeant dans mon mortel tourment,
Mon rond, trouble, ravit, os, sang, & sentiment,
Et martelle mon chef d'un bras insuportable.