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LVIII.



Comme le Nauple veit la flotte vangeresse
Du rapt inhospital, parmy l'onde sallee
Voisiner les hauts Cieux, puis à coup devallee,
Jusqu'au plus creux des eaux par sa flame traitresse.

Amour voit or mon ame en ceste mer d'angoisse,
Dont la sourde terreur pourroit estre esgallee
Aux rochers casharez : & l'alleine exallee,
De mes poulmons gesnez à l'horreur vanteresse.

Ou comme on voit grossir dessus l'alpe cornue,
Un monceau blanchissant nourrisson de la nue,
Qui fondant va noyant la prochaine campagne.

Chacun jour sur mon chef un lourd amas de peines,
Il charge puis à coup les espand par mes veines,
Et fait la mer d'ennuys ou mon ame se baigne.


LIX.



J'ay trop plus merité que ce que je sens ore,
Je l'espreuve à ma honte & le confesse aussi :
C'est que trop follement je suis venu icy,
Cercher le soing rongeard qui cruel me devore.

Cercher un froit desdain qui mon chef descolore,
Et qui gesnant mes sens d'un importun sourcy,
Me fait en mille plis froncer front & soucy :
Et bref me fait renaistre un mal-heureux Pellore.

Ah que m'apportez vous (ô soudain consentir,)
Sinon las pour me plaindre un tardif repentir?
Que je deteste, & vous faux espoir qui m'avez

Tellement enchanté, que pour haïr ma vie,
Vous tennez ma raison d'un songe ensevellie :
Et d'une mer d'ennuis mon ame vous l'avez.