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LVI.


Ah que je sens le feu dans mes bouillantes veines,
Ah que je sens de glace au milieu de mes os,
Ah que je sens d’angoisse agiter mon repos,
Ah de combien d’effors sens-je accroistre mes peines.

Ah que je sens d’ardeur, & de douleurs certaines,
Ah Dieux que de soupirs & de cuisans sanglots,
Ah quelle mer d’ennuis furieuse en ses flots,
Noye le triste accent de complaintes vaines.

Ah qu’amour me tourmente, ah pourquoy suis-je né,
A pourquoy m’avez vous à ces maux destiné,
A pourquoy si long temps doy-je haïr ma vie.

Je desdaigne de vivre, & mourir je ne puis :
J'arrouse de mes pleurs l’aigreur de mes ennuis,
Et la vie & la mort tousjours l’on me denie.


LVII.


Ces beaux yeux dont amour ma sceu blesser de sorte :
Q'ils peuvent rendre seuls mes tourmens alentez,
(Non le Baume charmé, ny les vers enchantez,
Ou pierre, ou gomme, ou just qui de l'Egypte sorte.)

M'ont de toute autre ardeur tellement clos la porte :
Que d’un profond penser mes sens sont contentez,
Et si mes tristes yeux d’autre object sont tentez
Mon ame s’irritant rend leur lumiere morte.

Donques de ces beaux yeux deux fares de mon cueur,
Vient ma honte & le los de mon cruel vainqueur,
Et d’eux mesmes j’attens le loyer de mes peines.

Par eux je suis guidé sous l’eternelle nuict,
Par eux du beau Soleil le bel astre me luit,
Et seuls glissent ma vie & ma mort dans mes veines.