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XXXVI.



Je veux forcer mes mains de briser le sainct traict,
Qui premier ulcera mes poulmons et mon ame :
Je veux forcer mon sang, d’estaindre ceste flame,
Qui des yeux & des os le repos m’a soustrait.

Je veux forcer mes pleurs d’effacer le portrait,
Qui offre à mes esprits les beautez de madame :
Je veux tout & puis peu, car la fatalle lame
Qu’Amour forge en ses yeux rengrave chacun trait.

Jupiter grave au Ciel toutes nos destinees,
La Parque au divers lieu insere noz journees,
Les mortels sur la carthe impriment ce qu’ils font.

L’ouvrage des humains par l’usage s’efface,
Mais Amour fait son ciel & sa carthe en ma face,
Ne permettra perir ce qu’il peint sur mon front.


XXXVII.



O que peu ma servi d'avoir la coignoissance
D'amour, & du pouvoir d'une fiere beauté,
Des cris de mille amants que par leur cruauté
Le cruel desespoir a mis sous sa puissance.

Et que peu m'a servi sous couleur d'une absence,
Nourrir couvertement ma serve loyauté,
Ou de peur de brusler fuir la privauté,
Si tout cela n'a peu me servir de defence.

Que peu m'ont secouru les ruisseaux de mes yeux,
Et que peu m'ont servi tant de cris vers les Cieux,
Puis que les deitez à noz plaints ne s'esmeuvent.

Plus j'invoque la mort, plus mon mal-heur renaist,
Plus je fui mon desir, plus mon ame s'en paist,
En vain donc le mortel fuit ce que les Cieux peuvent.