Page:Les oeuvres poétiques de Clovis Hesteau de Nuysement 1578.pdf/104

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

XXXII.



D'autant qu'un Cigne passe un Corbeau de blancheur,
Et d'autant que le Miel passe en douceur l'abcynthe :
Me amour se verra plus que nulle autre sainte,
Et rien n'aura pouvoir de souiller sa candeur.

L'esprit captif au joug d'une tremblante ardeur,
Remplit veines & nerfs du venin de la crainte,
Et croit que ce qu'il voit n'est sinon qu'une feinte,
Qui le trouble, le trompe, & l'amene à l'erreur.

Jamais une amitié saintement commencee,
Ne peut estre du temps ny du fort offencee :
Car le cueur magnanime est tousjours en un poinct.

Or je te jure donc par la lampe eternelle,
Qu'ainsi que sa clairté durera immortelle,
Le feu de mon amour ne s'amortira point.


XXXIII.



D'une lente froideur ma poictrine est saisie,
Et la timidité s'emparant de mon cueur,
Je sens ja le remords qui de mes sens vainqueur,
De cent, & cent pensers trouble ma fantaisie.

Helas mon cher Soleil, si vostre courtaisie,
Adjointe à la pitié ne dompte vostre ardeur :
Comment me defendray-je, & de quelle vigueur
Opposeray-je au choc ma foible poësie.

A combattre un vaincu point d'armes il ne faut,
Le chasteau ja rendu n'a besoin d'un assaut,
Si je meurs au combat vous serez homicide :

Puis on dira de moy, ce pauvre infortuné,
A voulu resembler le fol fleuve escorné,
Qui pour se voir vaincu s'efforcea contre Alcide.