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L’HERBORISTE

Homme ou plante, moitié commerçant, moitié végétal, sublime échantillon de la nature morte, branche parasite, qui croît et se multiplie dans le sens inverse de son importance ; l'herboriste est le gui, sacré jadis, aujourd’hui profane, qui résiste a la serpe de la Faculté, et parviendra bientôt à étouffer l’arbre de la science qui l’abrite, le soutient et lui délivre un diplôme de végétation. Trop, ou trop peu ; plus que l’épicier, pas autant que le pharmacien, la nature lui a créé une position mixte entre les deux règnes ; la société, un sanctuaire a égale distance de la boutique et de la pharmacie. D’autres ont le droit de vivre, l’herhoriste végète ! Il séjourne éternellement parmi les plantes, mais il n’herborise jamais.

Amoureux du sol comme un frêle arbuste, il verdoie, fleurit, se dessèche et s’effeuille, selon la saison ; il est hygrométrique ; il s’accommode au tempérament des plantes ; il connaît leur naturel, leur hygiène, les lois qui président a leur conservation : la sienne ne vient qu’après ; sa vie se passe a dessécher, contuser, épister, concasser et tamiser le détritus de tous les végétaux du globe ; il sait tout ce qu’on peut savoir en fait de drogues simples, et on prétend que son imagination ne va pas au delà. Ange conservateur de la bourrache et du romarin, de la guimauve et des quatre fleurs, à lui la casse, le séné, la rhubarbe et le jalap, le bouillon-blanc et la rose de Provins, le mouron d’oiseau et la graine de moutarde... noire. Son existence est problématique, il le sait ; contestée comme celle de la licorne, il la prend pour enseigne. On ne croit plus à ses infusions, mais elles ont cours ; on croit à tant de choses qui n’en ont aucun dans le monde ! L’herboriste est croyant, le pharmacien