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SUR LE ROMAN DE RENART.

leur facture celle de la plupart des branches de Renart.

Je sais fort bien que les trouvères du treizième siècle ont retouché quelques anciens poëmes ; mais ces poëmes remontoient au onzième siècle ou bien aux premières années du douzième. C’étoit la Chanson de gestes d’Ogier, ou celles de Rolant, de Guillaume d’Orange, et en dernier lieu d’Antioche ; on les renouveloit parce qu’elles avoient un besoin réel de retouche, pour ne pas blesser l’oreille des contemporains de Philippe Auguste et de saint Louis : mais, en cinquante ans, la langue avoit fait d’immenses progrès. Crestien de Troyes, Benoit de Sainte-More et le Normand Wace lui-même, en dépit de son pauvre génie, en sont la preuve incontestable. Or Crestien, Benoit et Wace étoient contemporains de Pierre de Saint-Cloud et des anonymes auxquels on doit les différentes parties du Renart, bien réellement conservées.

C’est donc une pétition de principe de dire avec la critique étrangère : « On a trouvé des poëmes flamans et allemans de Renart qui semblent remonter au douzième siècle et qui sont évidemment puisés à une source françoise : mais la seule rédaction conservée d’un Renart françois appartenant à la fin du treizième siecle, il en faut conclure que les poëmes flamans et allemans, qui remontent encore au douzième siècle, se rapprochent le plus de l’original perdu. » Nous répondons : Cet original n’est pas perdu, et nos textes françois ne sont pas du treizième siècle ou du quatorzième, mais du second tiers ou de la seconde moitié du douzième.

On insiste : les textes françois conservés ne présentent pas une composition régulière, uniforme ;