Page:Les aventures de maître Renart et d'Ysengrin son compère, trad. Paulin, 1861.djvu/354

Cette page a été validée par deux contributeurs.
338
NOUVELLE ÉTUDE

Voilà ce que j’avois à dire pour établir la date au moins des premières branches conservées de notre Renart françois. Et ce premier point exposé, je passe au poëme latin publié par Mone en 1832, sous le nom de Reinardus vulpes, mais qu’on auroit avec plus de raison, comme l’a déjà fait remarquer M. Rhote, intitulé Ysengrinus.

Cet ouvrage est postérieur aux premiers poëmes de Renart : les critiques sont unanimes sur ce point. On reconnoît dans chaque vers l’amplificateur qui traite un sujet devenu lieu commun, pour y trouver un cadre à ses préoccupations monacales, à de laborieux efforts d’expression et de pensée. Il y a pourtant, au moins à la fin du second livre, une certaine intention de se rapprocher des règles de la poésie classique, et je ne puis m’empêcher d’en faire juges mes lecteurs :

Le roi Rufanus a recouvré la santé, grâce à la peau d’Ysengrin, qu’il s’est appliquée de par l’ordonnance du médecin Renart. Le bon prince veut abréger l’ennui de sa convalescence en écoutant d’agréables récits. Il invite donc Renart à lui raconter comment le malheureux Ysengrin étoit devenu moine, puis avoit quitté l’abbaye ; comment il avoit été accueilli dans l’hôtel de la Chèvre, et toutes les paroles échangées à cette occasion. « Renart, » ajoute-t-il en souriant, « ne se souviendroit-il pas de certaine aventure dans laquelle le coq l’auroit trompé lui-même ? » Renart s’excuse sur sa voix fatiguée ; mais on peut, dit-il, réclamer ces récits de Brun l’ours qui en a même fait le sujet d’un poëme. Le Roi envoie Guter ou Couart le lièvre vers Brun ; Brun confie son manuscrit au sanglier, et le sanglier com-