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SUR LE ROMAN DE RENART.

à celles des captifs de Noureddin ; qu’il fît prendre à son Renart le bourdon et la croix ; et fît donner au Roi l’assurance railleuse de l’effroi que son nom seul inspiroit déjà au Sultan. Ajoutons qu’il est impossible de ne pas reconnoître saint Bernard lui-même, parvenu vers 1147 au plus haut degré de l’influence morale qu’il exerça sur ses contemporains, dans le frère Bernart qui, au retour d’une visite aux religieux de Grandmont, obtient du Roi, accoutumé à ne rien lui refuser, le pardon de Renart et la liberté de le revêtir du blanc manteau, uniforme des moines de Clervaux. Il est peu probable qu’au retour de la funeste croisade, on eût ainsi parlé de l’influence souveraine de l’abbé de Clervaux sur le Roi : du moins, si on l’avoit fait, n’eût-on pas manqué d’ajouter que cette influence pouvoit avoir des résultats funestes.

Un autre indice d’ancienneté c’est assurément le rôle que joue, plusieurs fois dans le roman, la Prêtresse ou femme de Prêtre. Sans doute la discipline ecclésiastique défendit toujours aux prêtres de contracter mariage, et même de conserver, à partir de leur entrée dans les ordres, la femme qu’ils avoient épousée ; mais on n’insista vivement sur ces défenses qu’à partir de la fin du douzième siècle ; auparavant, quand le prêtre s’engageoit à ne plus voir qu’une sœur dans celle qu’il avoit auparavant épousée, on lui permettoit de la garder près de lui. La femme restoit même dans le presbytère, et le nom de prêtresse qu’on lui donnoit étoit accepté par elle comme un titre honorable. À plus forte raison, les femmes séparées de leurs époux devenus prêtres, se paroient-elles de ce nom de prêtresse, tout le reste de leur vie.