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SOIXANTIÈME AVENTURE.

que Thibaut, un riche bourgeois de la ville voisine, venoit offrir à l’Abbé. Frère Renart se promit d’en caresser longuement ses grenons. « Décidément, » se dit-il, « tous ces gens qui font vœu d’abstinence ne vont pas avec moi de compagnie. » La nuit venue, frère Renart sortit de sa cellule, prit le chemin de l’infirmerie, trouva l’endroit où les chapons gardoient l’espoir de vivre quelques jours encore, les étrangla tous les quatre et commença par se faire bonne bouche de l’un d’eux. Puis sans prendre congé de damp abbé, il emporta les trois autres chapons sur son cou, passa l’enclos, jeta son froc aux buissons de la haie, et se trouva bientôt en pleine campagne.

C’est ainsi qu’il auroit repris le chemin de Maupertuis et qu’après une longue absence il seroit rentré dans ses anciens domaines. Son retour, ajoute-t-on, surprit un peu la bonne Hermeline qui déjà se considéroit comme veuve ; si bien qu’elle auroit eu besoin de toute sa vertu pour comprendre la réalité de ce bonheur inespéré. Quelques auteurs médisans ont même assuré qu’elle étoit au moment de contracter un second mariage avec le jeune Poncet, son cousin germain, quand Renart avoit abandonné l’abbaye ; et pour rentrer dans Maupertuis, le faux religieux auroit pris un déguisement de jongleur anglois. C’est, entre