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CINQUANTIÈME-CINQUIÈME AVENTURE.

non moins mécontens, lui présentent l’écharpe et le bourdon.

Voilà donc Renart un bourdon ou bâton de frêne à la main, l’écharpe au cou, la croix sur l’épaule. Le Roi lui fait déclarer à ceux qui l’ont condamné qu’il ne conserve contre eux aucun mauvais vouloir ; il est (au moins le dit-il) résolu de renoncer à la vie de mauvais garçon ; avant tout, il tient au salut de son ame. Tout ce qu’on lui demande, Renart l’accorde sans hésiter ; il rompt le fêtu avec chacun des barons et leur pardonne. L’heure de Nones arrivoit quand il prit congé de la Cour.

Mais dès qu’il se sentit libre et qu’il eut mis les murs et le plessis entre les barons et lui, son premier soin fut de défier ceux qu’il venoit d’appaiser par son repentir ; il n’excepta que messire Noble. Ici, je ne dois pas omettre qu’avant de prendre congé, il avoit trouvé dans le courtil du palais, Madame Fiere la Reine, dont grande étoit la beauté, la courtoisie. « Damp Renart, » lui avoit-elle dit, « priez pour nous outremer, nous prierons ici pour votre retour. — Dame, » fit Renart en s’inclinant, « la prière venue de haut est la chose la plus précieuse du monde ; heureux celui pour qui vous prierez ! il aura grand sujet de démener joie. Oh ! que j’accomplirois