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CONDAMNATION DE RENART.

est pendu, quel deshonneur pour toute sa lignée ! et vous le savez, elle est de haut parage : combien de services ne pouvez-vous encore en attendre ! Vous aurez, avant six mois, besoin d’un vaillant homme d’armes : laissez Renart passer outremer ; à votre premier appel il reviendra.

— Non pas, » répondit Noble ; « car la coutume des croisés est de retourner pires qu’ils ne sont partis. Ceux mêmes qui étoient des meilleurs à l’aller, sont mauvais au revenir. — Eh bien ! sire, il ne reviendra pas ; mais, au nom du ciel, qu’il parte ! »

Noble se tournant alors vers Renart : « Ah ! méchante créature, toujours éloignée du droit chemin ; n’as-tu pas cent fois mérité la hart qu’on t’avoit préparée ? — Merci, gentil roi, » cria Renart. « Recevez ma foi : jamais je ne serai l’occasion de clameur. — Je ne devrois pas te croire ; mais j’atteste tous les saints de Bethléem que si j’entends encore mal parler de toi, rien ne te garantira du supplice. »

Renart voit bien que le Roi lui accorde la vie ; mais Noble fait plus encore ; il lui tend les mains et le relève. On apporte la croix ; c’est Brun qui, tout en blâmant la foiblesse du Roi, la lui attache sur l’épaule. D’autres barons,