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CINQUANTIÈME-CINQUIÈME AVENTURE.

lent et le poussent. Couart le lièvre lui jette une pierre, mais de loin et quand il est déjà passé. Malheureusement pour lui, Renart, venant alors à tourner la tête, le vit, fronça le chef et Couart eut tellement peur qu’il se cacha sous une haie et ne reparut plus. Il vouloit, dit-il, regarder de là l’exécution plus à son aise. Pour Renart, au moment d’atteindre les fourches, il eut recours à l’expédient qu’il tenoit en réserve, il annonça qu’il avoit à faire d’importantes révélations. Le Roi ne put se dispenser de l’entendre.

« Sire, » dit-il, « vous m’avez fait saisir et charger de chaînes ; vous avez décidé que je serois pendu. Je suis, je l’avoue, un grand pêcheur, mais vous ne voudrez pas m’ôter les moyens de me reconcilier avec Dieu. Permettez-moi de prendre la croix ; je quitterai le pays, j’irai visiter le Saint sépulcre. Si je meurs en Syrie, je serai sauvé et Dieu vous récompensera de m’avoir fait rentrer en grace avec lui. » Disant cela, il lui va tomber aux pieds, et le Roi ne peut s’empêcher d’être grandement touché.

Grimbert venant en aide à son cher cousin : « Sire, je me porte garant de Renart auprès de vous ; défendez-le du supplice, et jamais il ne fera de tort à vous ni à d’autres. Recevez, pour Dieu, votre baron à merci ! S’il