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CINQUANTIÈME-TROISIÈME AVENTURE.

l’aise, rien ne presse. — Ah ! Drouineau, quel excellent repas je vous dois ; et quel plaisir j’aurois à vous venger ! — Ne parlons pas encore de cela ; dis-moi seulement, Morhou, n’as-tu pas besoin d’autre chose ? — Puisque vous le demandez, je conviendrai que j’ai grandement soif : cet excellent bacon… — Eh bien, il faut songer à te satisfaire, Voilà précisément devant nous une charge de vin ; j’espère bien pouvoir te demander tout à l’heure de quel pays tu penses qu’il vienne. »

Il dit, et d’une aile joyeuse et légère se va poser sur le chemin. Au passage de la voiture, il saute à la tête du cheval limonier, s’acharne sur les yeux qu’il frappe violemment de son bec. Le cheval hennit et se cabre. Le conducteur, furieux à son tour, prend un gourdin et le lance sur Drouineau, qu’il reconnoît pour la cause de tout ce désordre. Mais le coup mal assené va frapper le cheval qui, fortement blessé, s’affaisse sur lui-même, fait chanceler et enfin tomber la voiture sur le côté. Le voiturier lui-même est jeté à terre, et pour le tonneau, la violence de la chûte en fait rompre les cercles ; les dalles s’écartent et donnent passage au vin, qui forme sur la route une grande mare rouge. Rien ne put rendre le chagrin du charretier en voyant son meilleur