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QUARANTE-NEUVIÈME AVENTURE.

le long de la rivière pêchoit les poissons au bec. Pinçart est un objet de bonne prise ; mais le moyen d’aller jusqu’à lui ? « Possible qu’il vienne de lui-même : mais quand ? Je pourrai mourir de faim en l’attendant : et puis quelque vilain ou, ce qui est pis encore, quelque mâtin ne viendra-t-il pas me troubler ? Pinçart seroit pourtant un excellent soupper. Allons ! Donnons-nous de la peine ; c’est la loi du siècle, sans travail on ne peut arriver à rien. »

Il rampe alors jusqu’au bord de l’eau. Le rivage étoit garni d’une fougère épaisse, il en arrache plusieurs brassées, les réunit et les serre en forme de radeau qu’il laisse aller à la dérive, au-dessus de l’endroit où se tient Pinçart. À la vue du train, l’oiseau pêcheur lève la tête et fait un saut en arrière : mais reconnoissant que ce n’est qu’un tas de fougère, il se rassure et reprend tranquillement sa pêche. Damp Renart fait un nouvel essai : il arrache une seconde brassée plus épaisse et la jette encore sur l’eau. Le héron regarde plus attentivement, se rapproche de l’objet flottant, fouille du bec et des pattes la fougère, et rendu certain qu’il n’y a là pour lui rien à gagner ou à craindre, il se remet une seconde fois à la pêche, résolu de ne plus l’interrompre pour d’autres arrivages du même genre. Cette