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VOYAGE A LA COUR DU ROI.

années ; je vous recommande à Dieu, et priez-le de me laisser revenir bientôt. »

Et quand ils furent dehors, il fit encore l’oraison suivante : « Beau sire Dieu, je mets sous ta garde mon savoir et mon esprit. Fais que je les aie bien présens, quand je serai devant Noble, quand Ysengrin levera clameur contre moi. Fais que je le confonde, soit en niant, soit en plaidant, soit en combattant. Surtout donne-moi le temps nécessaire pour soulager mon cœur du poids de vengeance qui le brule, contre tous ceux qui me guerroient. » Alors il se prosterna, dit trois mea culpa, et fit un signe de croix pour se prémunir contre les diables et contre le roi Lion.

Les deux barons s’en vont à la Cour. Ils passent une rivière, suivent un défilé, gravissent une montagne, puis entrent en plaine. Renart est tellement accablé de douleur qu’il perd le vrai chemin et qu’ils se trouvent tous deux, quand ils s’y attendoient le moins, devant une Grange aux Nonnes. La maison étoit abondamment garnie de tous les biens de la terre. « Nous ferions bien, » dit Renart, « d’avancer le long de ces haies, vers cette cour où s’ébattent tant de poules. Là doit être le chemin que nous avons perdu. — Ah ! Renart ! » fait Grimbert, « Dieu sait pourquoi