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BRUN ET LES RAYONS DE MIEL.

que vous ne me donneriez pas poires molles. » En ce moment arrive le forestier Lanfroi, et Renart de jouer des jambes. Le vilain voit un gros ours engagé dans l’arbre qu’il avoit fendu, et retournant aussitôt au village : « Haro ! haro ! à l’ours ! nous l’avons pris. » Il falloit voir alors accourir les vilains avec massues, fléaux, haches, bâtons noueux d’épine. Qu’on juge de la peur de Brun ! Il entend derrière lui Hurtevillain, Gondoin Trousse-Vache, Baudouin Portecivière, Giroint Barbete le fils de sir Nicolas, Picque-anon le puant qui fait sauver les mouches, et le bon vuideur d’écuelles Corbaran de la Rue, puis Tigerin Brisemiche, Tiger de la Place, Gombert Coupe-vilain, Flambert, damp Herlin, Autran le Roux, Brise-Faucille prévôt du village, Humbert Grospés, Foucher Galope et bien d’autres.

Aux cris toujours plus rapprochés de cette fourmillière de vilains, Brun fait ses réflexions. Mieux lui vaut encore perdre le museau que livrer sa tête entière : la hâche de Lanfroi ne l’épargneroit assurément pas. Il tâte et retâte avec ses pieds, se roidit, sent la peau de son cou cederet se détacher, laissant à nud les oreilles et les joues sanglantes. C’est à ces cruelles conditions que le fils de l’Ourse put rentrer en possession de sa tête ; on n’eût pu tailler une