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QUARANTE-ET-UNIÈME AVENTURE.

déloyal. — J’en suis persuadé maintenant, et j’ai toute confiance dans votre bon naturel. »

Pour repondre au vœu de damp Brun, il sort de Maupertuis et le conduit à l’entrée du bois. Lanfroi le forestier avoit déjà fendu le tronc d’un chêne qui devoit lui fournir les ais d’une grande table ; il avoit posé deux coins dans l’ouverture, pour l’empêcher de se refermer. « Voilà, doux ami Brun, » dit Renart, ce que je vous ai promis. Dans ce tronc est la réserve du miel : entrez la tête et prenez à votre aise ; nous irons boire ensuite. » Brun, impatient, pose les deux pieds de devant sur le chêne, tandis que Renart monte sur ses épaules et lui fait signe d’allonger le cou et d’avancer le museau. L’autre obéit : Renart de l’une de ses pattes tire à lui fortement les coins et les fait sauter. Les deux parties séparées du tronc se rapprochent et la tête de Brun reste en male étreinte. « Ah ! maintenant, » dit Renart riant à pleine gorge, ouvrez bien la bouche, sire Brun, et surtout tirez la langue. Quel bon gout, n’est-ce pas ? » (Brun cependant exhaloit des cris aigus.) Mais comme vous restez longtems ! oh ! je l’avois bien prévu ; vous gardez tout pour vous, sans m’en faire part. N’êtes-vous pas honteux de ne rien laisser à votre ami ? Si j’étois malade et si j’avois besoin de douceurs, je vois