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TRENTE-QUATRIÈME AVENTURE.

Renart doit se purger par serment. Cela lui coûtera peu, sans doute ; je viens donc réclamer votre amitié, pour conduire l’affaire de manière à le confondre. Et d’abord où devons-nous chercher le sanctuaire sur lequel il devra jurer ? Le point est de grande conséquence et, je vous l’avoue, il m’embarrasse un peu. — Par ma foi, » dit Rooniaus, « vous trouverez dans ce village assez de saints ou de saintes, et vous n’aurez que l’embarras du choix. Mais écoutez ; si Brichemer vouloit remplir l’office de Justice, on essaieroit quelque chose de mieux. Je ferois le mort, je m’étendrois dans un fossé, hors du village : vous répandriez le bruit de ma fin édifiante, et quand on viendroit lever mon corps, on me trouveroit couché sur le dos, mâchoires ouvertes, langue tirée : vous convoqueriez l’assemblée autour de moi, et Renart étant venu, vous déclareriez le tenir quitte de tout, pourvu qu’il fût consentant de jurer sur ma dent qu’il n’avoit jamais outragé votre femme. S’il se tient assez près de mon chef pour me permettre de l’empoigner, il pourra se vanter que jamais corps saint n’aura mieux retenu ni mordu. Et si, devinant le piége, il refuse d’avancer jusqu’au sanctuaire, il y gagnera peu de chose ; car je ferai tenir en aguet plus de quarante