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TRENTE-DEUXIÈME AVENTURE.

un tel me doit cent sous, ma femme l’atteste, donc la dette est réelle : et de fort honnêtes gens pourroient être ainsi condamnés. Non, jamais je n’approuverai pareille façon de procéder. Sire Brun, qu’il me permette de le dire, n’est pas ici dans le vrai, et je me tiens à l’avis de damp Brichemer ; il étoit impossible de parler d’une façon plus sage, plus judicieuse et plus vraie. »

Ici, Platel le daim demanda à parler. « La clameur porte sur autre chose encore : Ysengrin accuse Renart de lui avoir enlevé ses provisions, d’avoir embrené ses louveteaus, de les avoir battus, échevelés, appelés bâtards. Or de pareils excès exigent une forte amende, si l’on ne veut pas qu’ils se renouvelent sans cesse. »

« Vous dites vrai, » reprit Brun, « et je vais plus loin : honte et deshonneur à qui prendra la défense de Renart ! Comment ! on pourroit honnir un prud’homme, et s’emparer de son bien comme de legitime conquête, comme de fortune trouvée ou de trésor perdu ! Je plaindrois le Roi s’il abandonnoit ainsi la cause de ses barons ; mais, après tout, je n’en serois pas autrement surpris. Car À tel morceau telle cuiller, et le chat sait toujours bien quelles barbes il lèche. Je n’en dis rien de plus ; si non que Monseigneur le Roi, sauve