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LE TRANSLATEUR

d’élucubrations acétiques composées pour les monastères, nous laissent supposer aujourd’hui que le Moyen-âge étoit une sorte de grand couvent dans lequel on ne faisoit guère usage de la liberté d’examen, où l’on ne vivoit que pour songer à mourir. Mais, en réalité, tous ces écrits de haute édification passoient à peu près inapperçus des gens du monde auxquels ils n’étoient pas destinés, et l’enseignement littéraire du Siècle reposoit plutôt sur des chants d’amour et de guerre, sur des contes de gai savoir, sur les romans de Troie, d’Artus ou de Renart, dont les auteurs, honorés et festoiés par les rois, par les barons, les bourgeois et même les clers, s’exprimoient avec une liberté sur les hommes et sur les choses qui n’a pas été dépassée. Le Procès de Renart nous obligera du moins à convenir que l’on connoissoit alors assez bien la juste limite des droits et des devoirs ; que la défense ne manquoit pas aux accusés, que les entraves opposées aux tendances arbitraires étoient assez bien calculées ; que l’affectation d’une piété rigide n’échappoit guère plus qu’aujourd’hui au soupçon d’hypocrisie, et qu’en fait de goût on ne confondoit pas la véritable éloquence avec le bavardage inutile ou prétentieux.

On peut dire encore du Procès de Renart que c’est la Comédie d’un théâtre dont les Chan-