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YSENGRIN DANS LE PUITS.

de l’autre mon ame est en Paradis, placée devant les pieds de Notre Seigneur. Comprenez-vous maintenant que j’aie sujet d’être joyeux et satisfait ? J’ai tout ce que je puis désirer. Ah ! sire Ysengrin, je ne veux pas faire mon éloge, mais vous auriez dû me tenir plus cher que vous ne faisiez, car je ne vous ai jamais voulu de mal et je vous ai souvent procuré du bien. Non pas que je m’en repente, mes vertus sont aujourd’hui trop bien récompensées ; et si vous êtes un des grands de la terre, je suis encore mieux placé dans l’autre monde. Je ne vois ici que riches campagnes, belles prairies, plaines riantes, forets toujours vertes ; ici, les grasses brebis, des chèvres, des agneaux comme on n’en voit pas chez vous ; ici, vingt fois plus de lapins, de lièvres et d’oisons que vous n’en pourriez compter. En un mot, j’ai tout ce que je desire, comme tous ceux qui vivent à peu de distance de moi. Autant de gelines que nous voulons. En voulez-vous la preuve ? Sur le bord de cette ouverture doit s’en trouver une que j’ai jetée comme superflue, en sortant de notre dernier festin. Regardez, vous la trouverez. »

Ysengrin détourne un peu la tête et trouve en effet la geline dont Renart lui parloit. « Il dit ma foi vrai, » pensa-t-il ; « mais quel