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YSENGRIN DANS LE PUITS.

rebrousser chemin. Il alloit donc repasser le guichet, quand un sentiment de honte le retient dans la cour et lui fait donner quelque chose à l’aventure. Le besoin qui fait vielles trotter lui représente vivement qu’autant vaut être roué de coups que mourir de faim. Il revient alors aux objets de sa convoitise par un autre détour qui devoit mieux assurer sa marche et sa retraite. Bientôt il avise trois gelines qui s’étoient endormies, juchées au delà d’un tas de foin, sur une longue pièce de bois. Au premier mouvement qu’elles remarquent dans le foin, elles avoient tressailli et étoient allées se tapir un peu plus loin ; Renart fond sur elles, les étrangle l’une après l’autre, mange la tête et les ailes des deux premières et emporte la troisième.

La campagne avoit été heureuse ; Renart quitta sans encombre cette bienheureuse grange de moines. Mais la soif venoit succéder à la faim, et comment l’appaiser ? Devant la maison se trouvoit un puits auquel il ne manqua pas de courir. L’eau par malheur n’étoit pas à sa portée. Il frémit d’impatience, lèche ses barbes desséchées et n’imaginoit pas d’expédient quand, au-dessus de sa tête, il voit un treuil ou cylindre auquel tenoit une double corde. L’une descendoit dans le puits, l’autre soutenoit un seau vuide à fleur de terre. Renart