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LE PARTAGE DU LION.

nous doivent-ils être ainsi maltraités et joués ? Croyez-moi, en nous entendant un peu, nous pourrions lui donner assez d’embarras. Comme votre ami, je vous dois mes meilleurs conseils, et je vous aiderois volontiers de toutes mes forces à prendre de ce mauvais roi une vengeance éclatante. Car enfin il y a trop de honte à se laisser traiter ainsi et nous lui donnerions l’envie de faire pis encore. Mon avis est de venger avant tout l’injure qu’il vous a faite, puis le déni de justice qui nous a privés du bien qui nous appartenoit. »

Ysengrin écoute attentivement Renart. Il garde un fier ressentiment du traitement qu’il a reçu ; il seroit heureux de pouvoir s’en venger : mais d’un autre côté il faut avoir des alliés, pour entreprendre une guerre contre le Roi. La prudence veut qu’on demande avant tout conseil à ses véritables amis. « Cependant, » se dit-il, « où trouverois-je un plus sage conseiller que Renart, un compagnon plus adroit, plus utile ?… Mais, s’il me trahissoit ? s’il ne m’arrachoit mon secret que pour aller le réveler au Roi ? La trahison est assez dans ses habitudes et dans celles de sa race.... Non ! je lui fais injure ; c’est, après tout, mon compère, il ne voudroit pas me perdre ? Il est prudhomme, le Roi le disoit tout à l’heure encore, en nous reconci-