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RENART ET FROBERT LE GRILLON.

tiers et de chasseurs. Renart aussitôt de jouer des pieds ; mais il est aperçu, les veneurs découplent leurs chiens. Le goupil ! le goupil ! crient-ils à qui mieux mieux. « Holà ! Tabaus, Rigaus, « Clarembaus ; eh ! Triboulé ! eh ! Plaisance ! » Mais Renart, de son côté, ne s’endormoit pas ; dans la crainte d’être cerné, il revient, se tapit sur le haut du four, y demeure blotti jusqu’à ce que la meute se soit éloignée, en croyant toujours se rapprocher de lui. Or cette meute réveilloit en même temps Ysengrin, dont elle avoit reconnu les traces. On le poursuit, on l’atteint, on le déchire à belles dents : lui se défend avec courage ; plus d’un chien est mis hors de combat, les entrailles déchirées. Du haut de son four, Renart se faisoit juge du camp. « Ah ! bel oncle, » crioit-il, « voilà le profit du bacon que vous avez refusé de partager. Vous seriez moins lourd et plus dispos « si vous aviez été moins glouton. » Mais ces mots, au lieu de décourager Ysengrin, redoublent son ardeur : il étrangle le premier chien d’un coup de dent ; les autres, plus ou moins déchirés, ensanglantés, abandonnent enfin la partie.

Ysengrin regagne péniblement son logis : mais son plus grand mal est le chagrin de ne pas en avoir fini avec Renart, et de ne l’avoir pas étranglé, quand l’occasion s’en présentoit.