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LA VENGEANCE DYSENGRIN.

de mon courage. Allons ! ne vous faites pas prier, mon beau neveu ; cette belle rangée de dents est prête, comme vous voyez, à vous recevoir. Vous y mettez vraiment trop de cérémonie. »

Disant cela, Ysengrin s’étoit jeté sur Renart, l’avoit retenu sous ses pieds sans mouvement, l’avoit battu, mordu, houspillé comme jamais ne le fut prisonnier en terre Sarrasine. Il a beau crier merci, invoquer la pitié de son bon oncle, Ysengrin le prend par la nuque, lui déchire la peau et le réduit enfin à ne plus exhaler que des gémissemens étouffés.

Une chose préserva damp Renart, sa chair étoit loin d’être, même pour Ysengrin, un friand morceau. Après l’avoir longtems martyrisé : « J’hésite, » dit-il, « sur le genre de mort que je te donnerai. Si j’allumois un feu ardent pour te griller ? ensuite je te mangerois : non, tu serois mort trop vite. » Et cependant voyant Renart attendre gueule béante le moment de rendre le dernier soupir, Ysengrin lui ferme la gorge de son pied, et peu s’en faut qu’il ne l’étrangle.

Mais au moment même, il en étoit grand temps, voilà que la pitié trouve place dans le cœur d’Ysengrin. Il remembre les anciens liens d’amitié, les bons tours qu’ils ont fait souvent ensemble, les jeux, les plaisirs, les agrémens