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VINGTIÈME AVENTURE.

qu’il en eut jusqu’aux grenons, et bien plus : soit avec intention soit par mégarde, il renversa le pot et répandit tout le lait qu’il n’avoit pu boire. « Ah ! » dit Renart furieux, « voilà qui est mal, Tybert. Cela est pire que si tu m’avois griffé, mordu, moi ton seigneur. Mais enfin sortiras-tu ? — Mon Dieu ! compain, attends un peu. — Je n’attends plus une seconde. » Tybert alors se décide à faire un saut vers l’ouverture ; mais Renart, justement comme il voit passer la tête et le corps, se retire et la queue du pauvre Tybert demeure si fortement prise qu’il fallut en laisser la moitié en gage. La douleur lui arrache alors un violent cri de douleur ; il resta près de la huche, immobile et les yeux flamboïans. « Comment te trouves-tu, mon bon Tybert ? » lui dit alors Renart de sa voix la plus caressante. — « Ah ! mauvais compain, tu m’as servi de ton plat ordinaire ; tu m’as fait laisser la plus chère partie de moi-même. — Peux-tu m’accuser d’un malheur qui est ton ouvrage ! C’est toi qui prenant trop d’élan as fermé la huche, sans qu’il fût possible de la retenir ouverte. Mais après tout, de quoi te plains-tu ? tu devrois être rempli de joie d’avoir quelques pouces de queue de moins ; tu en seras plus léger, moins embarrassé. Pense à l’avantage de ne plus rien trainer