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LE PARTAGE DE L’ANDOUILLE.

yeux se mouillent. « Je vois avec plaisir, » dit Tybert, « que vous pleurez vos anciens péchés ; Dieu, témoin de votre repentir, vous en donnera le pardon. — C’est trop fort, en vérité ! » s’écria Renart écumant de rage, « tu me le paieras cher ; car il faudra bien que tu descendes, ne seroit-ce que pour aller boire. — Quant à cela, Renart, Dieu y a pourvu. Il a pratiqué dans la croix un trou où s’est conservée l’eau de la dernière pluie. Il y en a plus qu’il n’en faut pour appaiser ma soif. — Il faudra pourtant que tu descendes. — Ce ne sera pas aujourd’hui. — Eh bien ! ce sera dans un mois, dans un an. — Vous resterez à m’attendre ? — Oui ! fallût-il rester sept ans. — Vous en feriez serment ? — Oui ! je jure de ne pas quitter cette croix avant que tu n’en descendes. — Vous savez que c’est se damner que d’être parjure. — Oh ! je ne le serai pas ; et pour m’engager davantage, je le jure sur la croix. — Vous m’affligez, Renart ; car enfin vous êtes à jeun, et demeurer sept ans ici sans rien trouver à mettre sous la dent, cela vous semblera bien cruel. Mais comme vous l’avez juré, — Tais-toi ! — Oh ! je le veux bien, cela me permettra d’achever mon excellent repas. »

Damp Renart ne tint pas longtemps le serment qu’il avoit prononcé. Un mâtin, qui avoit